EDUCATION BEAUVAIS ECOLES

L’école a repris...

Témoignages


Depuis le 14 mai, plusieurs centaines d’enfants ont retrouvé le chemin des 45 écoles maternelles et élémentaires publiques de Beauvais. La reprise s’est faite progressivement : près de 300 enfants dans les premiers jours, plus du double dès la semaine suivante, et un peu plus de 1 200 élèves en 4ème semaine sur les 5 750 écoliers inscrits dans la ville. Certaines écoles accueillaient même 35 % de leurs effectifs habituels.
Cette réouverture des écoles primaires et des sites scolaires (accueils de loisirs qui y sont associés) s’est faite dans le strict respect du protocole sanitaire établi en partenariat avec la direction des services départementaux de l’éducation nationale ; elle a été globalement appréciée, à la fois par les parents qui devaient reprendre leur activité professionnelle et par les enfants qui peuvent ainsi poursuivre leur apprentissage des savoirs fondamentaux, tout en renouant avec une vie sociale extrafamiliale et en adoptant des règles sanitaires avec lesquelles tout un chacun doit aujourd’hui apprendre à vivre.

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Témoignages

Didier Bouret

Directeur de l’école Jules-Ferry

Pensez-vous que la réouverture des écoles est opportune ?

La réouverture des écoles avait pour objectif, entre autres, de rescolariser les élèves décrocheurs ; si quelques-uns sont revenus, il faut admettre que nous aurions aimé en revoir davantage. Pour autant, les élèves qui sont de retour à l’école le sont après une coupure de près de 7 semaines et il semble que, pour la plupart, ils avaient hâte de revenir, avec des raisons qui sont propres à chacun (ennui, envie de revoir les copains, envie de revoir leur enseignant, travail des parents…) ; certes, les journées de classe ne sont pas les mêmes que celles d’avant le 9 mars : les jeux avec les copains se font avec la distanciation nécessaire, les récréations sont échelonnées, les effectifs en classe plus réduits, les activités pensées différemment.
Dans une première approche, un temps de parole et d’écoute a été nécessaire, puis il y a eu la reprise des gestes barrière avec les consignes qui en découlent (sous forme, en fonction des âges des élèves, d’informations, de jeux, de comptines, de films).


Le protocole sanitaire ne nuit-il pas aux conditions d’enseignement ?

Le travail en classe est plus différencié, favorisé par un effectif plus faible. Les contraintes sanitaires ne sont pas réellement, en tout cas en élémentaire, un véritable frein à l’enseignement ; les collègues ont su en faire un point d’appui pédagogique, même si, certaines fois, la gestion et la désinfection du matériel deviennent vite chronophages.


Comment avez-vous vécu cette reprise et comment les élèves l'ont-ils vécue ?

Mon école ayant été centre d’accueil des enfants de soignants, la reprise n’a pas été appréhendée en tant que telle ; le retour sur expérience a joué sur la sérénité de l’équipe aussi bien sur l’aspect organisationnel que sur la confiance faite à la mairie quant à son implication sur le nettoyage/désinfection effectué plusieurs fois par jour. Ce retour sur expérience a aussi permis d’avoir le recul nécessaire pour envisager une reprise de l’école sous les meilleurs auspices.

Christine

Responsable adjointe de l’accueil de loisirs L’Astuce

Comment s’est passée la reprise ?

Très bien. L’Astuce est l’un des deux centres qui étaient ouverts à Beauvais pendant le confinement pour accueillir les enfants des personnels soignants, et j’en étais déjà la responsable. Cette période inédite a été compliquée car il y avait tout à créer, à mettre en place – avec des directives du Gouvernement qui évoluaient régulièrement - mais nous avons eu rapidement, à Beauvais, tous les produits nécessaires (masques, gels et solutions hydroalcooliques, blouses pour les agents d’entretien, etc.) et nous avons d’ailleurs toujours tout ce qu’il faut. Après, quand nous avons enfin trouvé notre rythme, il y a eu l’annonce de la réouverture des écoles… et il a fallu refaire encore avec de nouvelles directives nationales, mais nous avions déjà de bonnes bases.
La période du confinement a renforcé notre relation avec le directeur de l’école Jules-Ferry ; il nous a fallu trouver ensemble des solutions et, par exemple, nous avons mis en place une signalétique commune (sens de circulation, sens interdit…), ce qui facilite la compréhension des enfants et des parents.
La configuration de l’école et du centre nous a aussi permis de faire en sorte qu’il n’y ait pas de croisements des familles entre l’entrée et la sortie.


Le protocole sanitaire n’est-il pas trop contraignant à respecter ?

C’est certain que nous passons beaucoup de temps à laver les mains des enfants, à faire respecter les gestes barrières, la distanciation sociale, et à désinfecter : les jeux après chaque utilisation, les tables, les poignées, les interrupteurs, etc. Nous avons également perdu près des deux tiers de notre capacité d’accueil pour respecter l’espace minimum de 4 m2 par enfant mais nous avons repris avec des effectifs limités, alors ça va ; au 4 juin, nous avons 26 enfants d’élémentaire et 8 enfants de maternelle en restauration scolaire, ainsi que 16 enfants d’élémentaire et aucun maternelle le mercredi alors que l’encadrement est composé de 7 animateurs et 2 Atsem, plus les agents d’entretien et de restauration qui font aussi beaucoup de travail de désinfection.
On n’est plus sur les projets à long terme, on propose des jeux individuels mais il y a plein de possibilités... les enfants ne restent pas assis à leur table à ne rien faire, ils peuvent aussi se déplacer comme ils veulent, en respectant la distanciation. C’est plus difficile avec les petits de maternelle qui ont tendance à s’attirer, mais quand on voit qu’ils s’approchent un peu trop, on les oriente vers un nouveau jeu.
Sur les 2 heures de la pause méridienne, les plateaux-repas ont un succès fou auprès des enfants, et on se sert de ces plateaux individuels pour y mettre tout ce dont chaque enfant a envie (jeux, matériel d’activités créatives…)


Comment la situation est-elle vécue par les agents et par les enfants ?

Nous sommes forcément très attentifs aux comportements des enfants : nous prenons leur température quand nous les trouvons moins bien - comme nous le faisions déjà avant – et nous veillons à ce qu’ils se sentent bien. Ils ont conscience de ce qui se passe, qu’il y a des choses à respecter, et ils le comprennent.
Les parents nous ont demandés comment c’était organisé concrètement ; je crois qu’ils ont été rassurés et ils ont aussi travaillé sur ça avec leurs enfants. Après avoir été « enfermés » pendant 2 mois, les enfants sont contents de retrouver leurs camarades ; on ne voit pas d’enfants traumatisés. Quant aux animateurs, pour la plupart, nous travaillions déjà pendant le confinement. Ceux qui reprenaient le travail avaient un peu d’appréhension au départ mais nous avons pu leur expliquer tout le protocole ; ils ont vite pris le pli et ça les a rassurés de voir que nous n’étions pas inquiets. Maintenant, tout le monde est content de travailler. Sur les deux centres ouverts pendant le confinement, personne n’a été contaminé. À L’Astuce, il y a bien eu deux parents, soignants, qui l’ont été et ils nous l’ont signalé pour retirer leurs enfants pendant 14 jours. Tout se passe bien ; il y a sans doute moins de risques ici que dans un supermarché.

Bouchra

Maman d’Aylan, 3 ans et 1/2

Mon mari et moi sommes médecins au centre hospitalier de Beauvais ; nous avons travaillé non-stop pendant le confinement et, comme nous n’avons pas de famille dans la région, nous n’avions pas d’autre alternative que de mettre notre enfant à l’école (ndlr : son école habituelle Elsa Triolet) et à l’accueil de loisirs (ndlr : La Buissonnière) pendant toute cette période. Heureusement qu’il y avait ce dispositif d’accueil pour les enfants de soignants ! C’était important de pouvoir aller au travail en confiance, l’esprit tranquille, en sachant qu’il était entre de bonnes mains. On a tendance à éviter les enfants du personnel soignant qui sont fortement exposés au virus mais nous n’avons jamais eu ce sentiment désagréable, à l’école et à l’accueil de loisirs, qu’il pouvait représenter une « menace ».

À l’école, c’était un peu difficile au début, il était le plus jeune dans une classe de 8 enfants de tout âge - jusqu’au CP - avec des personnels (enseignant et Atsem) qui changeaient… mais il a vite pris ses repères. Il s’est adapté, ç’a été bénéfique pour sa sociabilisation, il est plus à l’aise avec les gens, il s’exprime mieux. Avec la réouverture généralisée des écoles, il y a encore eu une réorganisation : la limitation à 6 enfants par classe, les horaires décalés, la prise de température le matin, le fléchage, les plateaux repas du midi qu’il aime beaucoup et qui sont plutôt équilibrés, etc. Nous avons été bien informés et tout se passe très bien, comme à l’accueil de loisirs…

Aylan a bien compris tout ce qu’implique cette crise ; il nous reprend même, à la maison, sur les règles de distanciation, et qu’il ne faut pas faire de bisous !

Aline Néret

Psychologue de l’Éducation nationale

Qu'avez-vous pensé de cette période de confinement ?

Elle a sans doute été vécue de mille façons, selon les personnes. Elle a suscité beaucoup d'échanges d'informations plus ou moins fiables et aussi des élans de générosité formidables. Hélas, on a pu voir également ressurgir des réactions de l’ordre des bas instincts (manque de respect, égocentrisme, incivilités, trafics divers…). Elle a pu révéler notre rapport à la loi, au civisme, aux peurs (de manquer, de mourir, d'être malade, seul-e...). Pour beaucoup et pour moi : ranger, trier, jeter, prendre soin de soi, et des autres, de chez soi, de son jardin, de la nature, aller à l'essentiel... ce fut bénéfique.


Quels ont été les effets du confinement sur les familles, sur leurs enfants ?

Encore une fois la réponse est multiple, entre une promiscuité parfois morbide, violente et une proximité de retrouvailles, de resserrement des liens proches ou lointains. Je pense qu'elle a pu exacerber des situations jusque-là tenables en temps normal du fait de pouvoir s'éloigner, se quitter, se retrouver. Elle a peut-être aussi permis des rapprochements. J'ai souvent entendu que les enfants ont été difficiles à gérer (colériques, impatients, collés aux écrans...), ils ont aussi appris à réaliser des choses avec leurs parents (activités manuelles, cuisine, pâtisserie...).


Pourquoi le déconfinement peut-il être synonyme de liberté ou, au contraire, être angoissant ?

Liberté lorsque l'on peut de nouveau sortir de chez soi sans contrainte ou presque pas, vaquer à des sorties qui ne sont pas de première nécessité ! Angoissant parce que l'on sait que l'exposition au risque sanitaire est plus grande et que l'on ne peut être sûr que tout le monde respecte les gestes barrières.


Pourquoi certaines familles n’ont-elles pas pu maintenir un contact avec l'école ou avec les enseignants durant cette période ?

Il semble y avoir plusieurs aspects possibles, et ce qui me vient n’est pas exhaustif : un rapport difficile à la chose scolaire, un manque d'équipement informatique ou téléphonique, une difficulté culturelle - l’école est d’une autre culture et pas seulement sur le plan de la langue : enseigner est un métier et transmettre à son enfant ce que l’enseignant-e adresse n’est pas acquis d’avance ; il peut y avoir des conflits autour de la question de la méthode ou même une question de loyauté, cela s’est même vu avec des parents enseignants de profession -, un manque de compétences parfois, une assiduité habituellement fragile en temps ordinaire. Par ailleurs, entretenir avec l'enseignant-e une relation qui peut être vécue comme intrusive a pu chez certains parents constituer une difficulté à garder le lien.


Est-ce difficile de sortir d'un confinement ?

Tout dépend des capacités d'adaptation de chacun et des défenses habituelles qui constituent sa personnalité et qui ont pu être exacerbées dans les moments d'incertitude face à certaines angoisses. En général, je pense que nous sommes relativement bien équipés pour faire face à l'imprévu et aux situations de crise. Elles sont potentiellement traumatogènes mais effectivement traumatiques seulement pour quelques personnes trop impactées, dont l'appareil psychique est effracté notamment par la perception de mort imminente. Et cela, selon le ressenti et le vécu de chacun, au-delà d’une certaine réalité.


En quoi est-ce important pour les enfants de retourner à l'école ?

L'école est le quotidien des enfants. Leur "métier" c'est d'apprendre. Revenir à l'école c'est aussi retrouver sa place d'enfant, regoûter à une relative normalité, même si les aménagements du nouvel accueil sont, au départ, étranges. L'enjeu est aussi de se séparer de ses parents pour les retrouver et aussi de retrouver le lien social avec ses pairs : jouer, discuter, s’affronter aussi parfois...


Comment un parent peut-il aider son enfant à sortir du confinement ?

En le rassurant quant aux règles de sécurité mises en place pour le protéger et qu'il doit respecter pour protéger les autres. C'est difficile car il faut informer sans trop inquiéter. Il faut aussi écouter les questions des enfants et les accompagner à dire ou exprimer ce qu'ils en pensent, interroger des comportements inhabituels qui peuvent exprimer de l'inquiétude. Écouter, et pas seulement sanctionner ou réprimander. Il faut valoriser les avantages retrouvés, le plaisir du contact avec la nature, le soin à lui porter...

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